
Dans une société vieillissante, la multimorbidité est de plus en plus souvent la règle plutôt que l’exception. Un nombre croissant de patient·e·s sont atteint·e·s de plusieurs maladies chroniques à la fois, une réalité qui pose d’importants défis tant pour les soins médicaux que pour les systèmes de décompte. Dans le codage médical, la bonne gestion de la multimorbidité est déterminante non seulement pour une rémunération adéquate, mais aussi à des fins de qualité de soins, de statistiques de la santé et de recherche.
Il est donc essentiel que tous les diagnostics ayant généré une charge puissent être documentés et représentés dans le codage, voir aussi les articles de blog Check-list DRG et Diagnostic principal et diagnostic supplémentaire. Les forfaits par cas sont non seulement déduits des interventions et des diagnostics principaux, mais aussi des diagnostics supplémentaires importants et plus complexes, ainsi que de leur nombre.
Dans ce contexte, il est important de connaître les abréviations suivantes:
Abréviation | Description |
CC | CC signifie «comorbidité» ou «complication». Un diagnostic est détecté comme CC s’il est associé à des coûts/dépenses médicales plus importants et statistiquement pertinents. La présence de complications et/ou de comorbidités peut rendre le traitement plus difficile et plus coûteux, ou entraîner une consommation de ressources significativement plus élevée. Un code CC est un code diagnostique qui figure dans la matrice CCL. |
CCL | CCL signifie niveau de comorbidité et de complication (comorbidity and complication level). Chaque CC contient un CCL, c’est-à-dire qu’une valeur allant de 0 à 4 est attribuée à chaque diagnostic pertinent pour indiquer le niveau de sévérité de ce diagnostic dans le système DRG. Plusieurs diagnostics par cas peuvent présenter une valeur CCL. |
Matrice CCL | Tableau des diagnostics indiquant, pour chacun, les valeurs CC selon des partitions (valeurs possibles différentes selon qu’il s’agit d’une partition médicale ou chirurgicale). |
PCCL | Le niveau de complexité clinique du/de la patient·e (patient comorbidity and complication level) est indiqué une seule fois par cas et reflète la dépendance calculée à partir de différentes valeurs CCL. La valeur PCCL est obtenue à l’aide de la formule PCCL et ne correspond pas à une simple somme des valeurs CCL. Les PCCL vont de 0 à 6: 0 signifie l’absence de diagnostic supplémentaire pertinent, tandis que 6 correspond à une morbidité extrême. |
Split PCCL | La valeur PCCL d’un cas peut entraîner un changement de DRG car un certain niveau de PCCL est pertinent pour les DRG, c’est-à-dire qu’il fait partie intégrante de la logique du Grouper. |
Exemple de codage:
DP J80.03 Syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte (SDRA): syndrome de détresse respiratoire aiguë sévère de l’adulte (SDRA)
U07.1 COVID-19, virus identifié CCL 1
C34.3 Tumeur maligne: lobe inférieur, bronches CCL 2
J91 Épanchement pleural au cours de maladies classées ailleurs CCL 2
J12.8 Autres pneumonies virales CCL 3
B97.2 Coronavirus, cause de maladies classées dans d’autres chapitres CCL 0
J96.01 Insuffisance respiratoire aiguë, non classée ailleurs: Type II CCL 0
N17.83 Autres insuffisances rénales aiguës: Stade 3 CCL 4
N18.3 Maladie rénale chronique, stade 3[1] CCL 1
E11.90 Diabète sucré, type 2: Sans complication: Non désigné comme décompensé CCL 0
G04.8 Autres encéphalites, myélites et encéphalomyélites CCL 4
B00.8 Autres formes d’infection due au virus de l’herpès CCL 4
(Les diagnostics avec CCL 1-4 sont désignés comme CC)
Procédures: soins intensifs, hémodialyse, traitement complexe de COVID, etc.
DRG A07A Interventions hautement complexes ou traitement complexe de soins intensifs > 2940/3680 points ou traitement complexe en unité de soins intermédiaires > 3430/4600 points ou réadaptation neurologique précoce à partir de 7 jours de traitement ou traitement complexe de soins intensifs > 2058/2484 points avec traitement sous vide complexe ou traitement complexe de soins intensifs particulier avec points de traitement complexe en unité de soins intermédiaires
CW 27.13 (montant de la facture env. CHF 270'000.–, plus RS)
PCCL 5
Le défi réside dans le codage
Le codage médical sert non seulement au décompte de prestations stationnaires selon le système DRG mais aussi à la planification des soins et à la statistique. Chez les patients multimorbides, le défi consiste à soigneusement délimiter le diagnostic principal et les diagnostics supplémentaires et à appliquer correctement les règles de codage.
Problèmes typiques dans la pratique:
- Diagnostic principal non clair: en présence de plusieurs problèmes aigus, on ignore souvent quel diagnostic a justifié en premier lieu le séjour stationnaire ou fait appel au plus de ressources médicales.
- Diagnostics supplémentaires pertinents: seuls les diagnostics ayant une conséquence thérapeutique, diagnostique ou liée aux soins peuvent être codés comme diagnostics supplémentaires – une documentation précise est essentielle à cet égard.
- Co-influence des diagnostics: les maladies chroniques influencent souvent l’évolution d’autres diagnostics (p. ex. diabète et troubles de la cicatrisation), ce qui doit toutefois être représenté correctement du point de vue de la technique de codage.
Défis et sources d’erreur typiques
- Documentation incomplète: en particulier dans le cas d’antécédents médicaux connus, les diagnostics sont souvent présumés «connus» sans pour autant être justifiés médicalement dans le cas actuel. Aucun codage n’est possible sans documentation traçable.
Exemple du diabète sucré: le diabète sucré de type 2 non décompensé n’a pas de valeur CCL. Toutefois, si un diabète sucré est décompensé, il a une valeur CCL dans la plupart des configurations. Un diabète sucré avec complications décrites associées (p. ex. complications neurologiques, vasculaires périphériques, rénales, oculaires, avec acidocétose) a une valeur CCL. Dans la documentation médicale, les complications doivent toutefois être attribuables au diabète sucré pour pouvoir choisir un code de complication du diabète sucré. - Absence de différenciation de sévérité: de nombreuses maladies comme l’insuffisance cardiaque ou les troubles de la fonction rénale ont des codes CIM avec différents degrés de sévérité. Le choix du bon code peut avoir des répercussions sur les DRG.
- Conflits de codage: en présence de diagnostics concomitants ou de symptômes non spécifiques, il peut être difficile de déterminer lequel doit être retenu comme diagnostic principal et lesquels doivent être codés comme diagnostics secondaires.
La multimorbidité, opportunité pour une meilleure prise en charge
Si elle est bien codée, la multimorbidité permet aussi une représentation plus précise de la charge de morbidité dans la population et peut donner lieu à une répartition des ressources adaptée aux besoins. De plus, les codages structurés permettent une recherche plus précise dans les soins et des mesures de qualité plus ciblées. Ainsi, la multimorbidité n’est plus l’exception dans le codage médical mais constitue bel et bien une réalité du quotidien. Un codage précis et complet de l’ensemble des diagnostics pertinents est indispensable, tant pour le décompte correct que pour la représentation de la réalité des soins. Pour y parvenir, il convient d’allier connaissances médicales, documentation soigneuse et expertise spécifique au codage.
La fragilité et la multimorbidité dans le codage médical
La fragilité (frailty) désigne un syndrome complexe gériatrique associant une vulnérabilité accrue aux facteurs de stress, un déclin fonctionnel, une perte de poids, une diminution de la masse musculaire (sarcopénie), une fatigue et une diminution des réserves physiologiques. Il ne s’agit donc pas d’une seule maladie mais d’un état général de vulnérabilité accrue. Actuellement, la fragilité ne peut être codée qu’indirectement dans l’ICD-10-GM allemand. Il n’existe (encore) aucun code CIM-10 spécifique représentant clairement le syndrome gériatrique de fragilité. Il faut coder à la place les différents symptômes, diagnostics supplémentaires ou comorbidités (p. ex. R54 pour la sénilité, R64.3 pour la perte de poids anormale, M62.84 pour la sarcopénie) afin de décrire la fragilité. Les limitations fonctionnelles (p. ex. pour le besoin d’assistance dans les activités quotidiennes) peuvent également suggérer une fragilité.
Le traitement est intensif, en particulier dans le domaine stationnaire. Or si l’état de fragilité n’est pas correctement voire pas du tout codé, la réalité des soins ne se reflète pas dans le système DRG, ce qui peut donner lieu à un financement insuffisant.
Autre problème: la fragilité a un impact considérable sur la planification des soins, par exemple pour la décision de traitements intensifs ou non. Cet état demeure toutefois souvent «invisible» dans le codage. Nous recommandons donc, en particulier pour de tels cas complexes, de prêter attention à l’exhaustivité de la documentation et d’utiliser des outils tels que des évaluations gériatriques (p. ex. indice de Barthel, MSS, bilan gériatrique, Timed-Up-and-Go-Test) comme points de repère cliniques importants.
[1] On voit ici qu’une insuffisance rénale «aiguë sur chronique» est représentée avec un code pour la maladie aiguë et un code pour la maladie chronique. Les deux états ont un stade qui doit être complété médicalement dans la documentation.