
La SSMIG a décidé de consacrer une série spéciale aux parties prenantes du système de santé et présente les principaux acteurs du décompte des prestations stationnaires liées au SwissDRG. Nous commençons par le sujet de la révision du codage et nous sommes entretenus avec Catherine Niederer-Addor. Titulaire d’un brevet fédéral, elle travaille depuis près de 15 ans en tant que codeuse médicale. Elle dirige le codage médical au sein du Centre hospitalier de Bienne depuis 2018 et met ses compétences à disposition de la société NICE Computing AG, à titre accessoire, pour des révisions et, à partir de 2026, pour la direction.
Que fait exactement une réviseuse en codage médical et pourquoi les médecins devraient-ils s’y intéresser?
Une révision du codage est prescrite par la loi et effectuée une fois par an par les hôpitaux[1]. Pour cela, ces derniers font appel à des entreprises disposant de réviseurs et de réviseuses en codage médical reconnu·e·s au niveau fédéral. En tant que réviseuse en codage médical, mon rôle consiste à procéder à un contrôle par échantillonnage sur l’ensemble des données annuelles. En règle générale, il s’agit d’une centaine de cas. J’ai accès au SIC[2] de l’hôpital et dispose des mêmes documents que le codage interne. Je code le cas, puis je le compare au codage de l’hôpital. Les écarts au niveau des codes, DRG ou CW sont documentés. Les écarts de codage sans pertinence pour les DRG ou CW[3] sont également considérés comme des erreurs.
C’est avant tout la qualité du codage que la révision met en évidence. En outre, il permet d’identifier des défauts techniques dans les systèmes (par exemple, des automatisations telles que les scores ADL en réadaptation stationnaire) et d’obtenir des informations sur la qualité des rapports. Les rapports de sortie, les rapports d’opération et les rapports de soins intensifs servent de base au codage. Seul un rapport précis et détaillé permet au codage de l’hôpital de coder correctement le cas et un codage correct constitue à son tour la base d’une facturation correcte des recettes revenant à l’hôpital pour le traitement.
Si les recettes sont trop faibles en raison d’une erreur de codage due à un rapport imprécis, cela a des répercussions sur le résultat financier, sur le budget de l’hôpital et donc sur les salaires de l’ensemble du personnel. C’est pourquoi il est important de communiquer les résultats de la révision de sa propre clinique en interne – généralement après la fin de la révision – afin d’en déduire des mesures appropriées et de garantir les revenus.
Quelles sont les qualifications et l’expérience demandées à une réviseuse?
Outre le fait d’être titulaire du brevet fédéral de codeuse médicale, il est indispensable d’être inscrite sur la liste OFS des réviseuses et réviseurs[4]. Chacun des trois systèmes de décompte (SwissDRG, STReha, TARPSY) dispose de sa propre liste. Les exigences suivantes doivent être remplies:
- au moins trois ans d’expérience professionnelle (à plein temps) dans le domaine du codage médical;
- révision sous TARPSY: attestation d’une formation postgraduée spécifique à la psychiatrie dans le domaine du codage (application des règles de codage pour HoNOS/CA ou exigence ANQ pour HoNOS/CA) ou d’au moins un an d’expérience professionnelle (taux d’occupation de 100 %) en psychiatrie;
- révision sous ST Reha: attestation d’une formation continue spécifique à la réadaptation dans le domaine du codage (application des règles de codage pour les instruments de mesure en réadaptation: ADL, CIRS, test de marche de 6 minutes (code CHOP du code AA / exigence de l’ANQ pour les instruments de mesure en réadaptation) ou au moins un an d’expérience professionnelle (taux d’occupation de 100 %) en réadaptation.
Que se passe-t-il en cas d’anomalies lors de la révision?
En tant que réviseuse, je suis totalement indépendante, neutre et impartiale. J’ai le droit de supprimer ou de modifier des codages dans le cadre d’une révision, même si cela entraîne un changement du forfait par cas (changement de CW), y compris si le cas a déjà été remboursé par la caisse-maladie. En règle générale, la communication s’effectue exclusivement avec les spécialistes du codage, qui sont mes principaux interlocuteurs à l’hôpital. Les rapports de révision doivent être mis à la disposition des cantons, des assurances et de l’OFS. Le taux d’erreur autorisé dans le cadre des révisions de codage est de 5% maximum[5]. Si des codages trop élevés sont systématiquement constatés dans un hôpital, les assureurs et les autorités cantonales de surveillance se pencheront davantage sur cet établissement. Le cas échéant, il peut y avoir des contrôles au cas par cas, des demandes de remboursement et, en cas de surcodage systématique avéré, une procédure pénale pourra même être ouverte. La qualité du codage a donc une influence directe sur les résultats de la révision, la réputation, le pouvoir de négociation vis-à-vis des assureurs et, surtout, sur la stabilité opérationnelle de l’hôpital. Par conséquent, de bonnes pratiques de codage sont décisives pour la capacité d’exploitation et de négociation à long terme d’une institution du système de santé.
Quelles erreurs sont fréquentes en Suisse, en particulier dans le domaine de la MIG?
Dans le cadre de ma pratique et de mon activité de révision qui me permet de consulter les documents médicaux de nombreux hôpitaux, je fais régulièrement les observations suivantes:
- Les médecins ne sont pas toujours conscients de l’importance de la documentation, qui est en fait la base de la facture finale du cas. Bien que le décompte ne fasse pas partie de l’activité principale, la garantie des recettes de l’hôpital devrait être davantage prise en compte comme principal objectif.
- La rédaction de rapports est trop peu abordée pendant la formation (études).
- Dans un contexte de ressources en personnel limitées, l’accompagnement des assistant·e·s adjoint·e·s, médecins-assistant·e·s et chef·fe·s de clinique à l’hôpital est insuffisant en ce qui concerne l’établissement de rapports. Cela entraîne des pertes de qualité dues à des diagnostics copiés-collés dans les rapports de façon irréfléchie.
Quelles erreurs concernant les patientes et les patients en médecine interne coûtent le plus cher aux hôpitaux?
- Diagnostics représentés de façon inappropriée: certains diagnostics sont certes listés et codés, mais il manque des indications précises sur les liens entre eux, de sorte qu’il est impossible d’utiliser des codes combinés pertinents pour le système DRG (par exemple, insuffisance cardiaque hypertensive et/ou insuffisance rénale hypertensive).
- Preuves incomplètes concernant les scores et les complications: les scores SOFA sont documentés, mais insuffisamment étayés par la documentation actuelle; les complications organiques importantes d’un sepsis peuvent ne pas être recensées.
- Diagnostics infirmiers et diagnostics secondaires négligés: les escarres, la malnutrition et d’autres pathologies associées passent souvent inaperçues et ne sont pas documentées.
- Démence non spécifiée: souvent, la démence avec indication de son étiologie (par exemple, démence liée à la maladie de Parkinson) n’est pas documentée avec précision.
- Diagnostics imprécis: diagnostics généraux insuffisamment spécifiés (par exemple, un diagnostic d’insuffisance cardiaque ne précisant pas qu’elle est hypertensive, gauche ou droite, ou stade NYHA) ou insuffisance rénale sans étiologie.
Comment les médecins peuvent-ils améliorer leur documentation pour éviter les problèmes de facturation?
En premier lieu, les médecins ne doivent pas améliorer la documentation uniquement pour des questions de facturation. Ces documents leur servent également de protection en cas de poursuite judiciaire; vu la qualité moyenne observée en ce moment, de nombreux documents seraient actuellement insuffisants.
Je trouve important que ce thème soit abordé à la fin des études et ce, par des personnes qui comprennent le système et qui ont le savoir-faire nécessaire. Dès qu’un médecin se lance dans son activité pratique, il n’accorde plus à la documentation l’importance qui lui est due et la fait passer au second plan. Ce n’est pas un reproche que j’adresse aux jeunes médecins, mais au contenu des études, qui devrait lui aussi s’adapter à l’évolution du système.
La documentation médicale doit être tenue de manière aussi complète et précise que possible, et conforme à la vérité. Le codeur médical dispose ainsi d’une base optimale pour déterminer des DRG corrects. Les arguments, les diagnostics et les procédures qui ne peuvent être défendus nuisent à la crédibilité et ne justifieraient pas des résultats positifs à court terme tels qu’une augmentation des recettes, au vu des conséquences juridiques et de la perte de confiance des assureurs (y compris une forte augmentation des rejets) qu’ils induisent.
Est-il suffisant de mentionner un diagnostic dans la liste des diagnostics ou faut-il toujours justifier sa pertinence?
Les diagnostics sont décrits de préférence dans la liste des diagnostics du rapport de sortie, mais ils peuvent aussi être décrits dans le rapport de synthèse ou dans la documentation de l’évolution. Seuls les diagnostics posés par un médecin peuvent être utilisés pour le codage. En outre, toute dépense correspondante doit être documentée de manière compréhensible, qu’il s’agisse de mesures diagnostiques ou thérapeutiques ou d’une charge de travail accrue en termes d’accompagnement, de soins et/ou de surveillance. Bien que les codeuses et les codeurs aient une formation médicale, ils/elles ne doivent pas poser de diagnostic sur la base des rapports. Une règle s’applique: un codeur ne pose pas de diagnostic. Il n’interprète pas non plus les listes de médicaments, les résultats de laboratoire ou le dossier de soins sans avoir mené de discussion documentée avec le médecin traitant.
Dans quelle mesure faut-il détailler l'administration de médicaments et leur indication pour qu’elles soient pertinentes pour le codage?
Pour chaque médicament administré à l’hôpital, le rapport de sortie doit mentionner au moins un diagnostic correspondant. Les différents médicaments ne doivent toutefois pas tous être listés dans le rapport car ils sont saisis dans le SIC et peuvent être indiqués si nécessaire. Les médicaments apportés par les patientes et les patients, qui ne sont pas directement administrés ou modifiés par l’hôpital, sont également régulés et prescrits par l’hôpital; les diagnostics correspondants peuvent également être codés, pour autant que les différents liens soient documentés de manière compréhensible. Dans la pratique, ces diagnostics sont souvent perdus lors de l’établissement du rapport. Les médicaments onéreux entraînent une rémunération supplémentaire et doivent être indiqués dans le rapport de sortie en précisant la dose correctement administrée.
Y a-t-il selon vous des tendances ou des changements à venir que les médecins devraient avoir à l’esprit?
L’époque où un rapport médical était rédigé uniquement pour servir de moyen de communication avec les responsables du suivi est révolue. Les exigences relatives à la documentation médicale doivent donc être aussi simples que possible, à la fois précises et complètes, et il convient d’assurer une formation et de garantir un soutien numérique en la matière.
Le système de décompte s’adapte chaque année davantage aux données fournies par les hôpitaux. Il est essentiel que le service de codage ou le controlling médical informe les médecins en temps utile des changements attendus pour l’année à venir. Les médecins devraient faire redescendre ces informations dans leurs services et élaborer, documenter et mettre en œuvre les adaptations nécessaires dans les rapports.
L’intelligence artificielle (IA) apportera une aide précieuse aux services de codage à l’avenir, j’en suis convaincue. Il est d’ores et déjà possible de réaliser des bénéfices grâce à l’automatisation. Une automatisation correcte nécessite toutefois une base solide, ce qui représente un défi dans un hôpital comptant des effectifs importants. C’est pourquoi je suis convaincue qu’il faut travailler sur la qualité des étapes de base, pour que l’IA puisse apporter un meilleur soutien à l’avenir.
Je ne considère pas l’IA comme une menace pour les emplois de codage, je l’envisage plutôt comme un changement au sein des équipes. L’IA est déjà capable de fournir des codages de bonne qualité pour des cas simples, ce qui, à long terme, entraînera probablement une spécialisation accrue des professionnel·le·s du codage et des responsables de la gestion des cas et de moindres besoins en débutant·e·s en codage – une évolution qui impliquera des conséquences contradictoires.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux internistes généralistes?
Tenir une documentation médicale précise et complète n’a rien de facile, mais les hôpitaux et les réviseurs en dépendent. Cela signifie que lorsque l’équipe de codage demande des précisions sur des cas, cela a généralement une incidence sur les recettes et qu’il convient d’y répondre le plus rapidement possible.
Souvent, les erreurs systématiques ne sont pas suffisamment relevées dans le cadre des révisions obligatoires ou il est difficile de les détecter sur un petit échantillon. C’est pourquoi il est important que vous fassiez confiance à l’équipe de codage. Essayez de prendre en compte ses retours et d’y prêter davantage attention lors des futures documentations. Envisagez les échanges et les rapports DRG comme une opportunité pour garantir les revenus de votre clinique.
[1] Règlement concernant l’exécution de la révision du codage selon SwissDRG – Version 13.0
[2] SIC = système d’information clinique
[3] CW = cost-weight
[4] OFS = Office fédéral de la statistique, liste des réviseurs et informations sur la révision de l’OFS: Révisions de cas de codage | Office fédéral de la statistique – OFS.
[5] Selon le règlement concernant l’exécution de la révision du codage selon SwissDRG, la marge d’erreur associée à un niveau de confiance de 95% doit être inférieure à 0,02.